Le sultan aurait dû lire nos Chroniques...

Errare sultanum est. Début décembre, nous écrivions ceci :

Ses succès réels ou partiels sont magnifiés, exagérés (et colportés par une kyrielle d'idiots utiles en Occident) ; ses revers sont tout simplement passés sous silence et vite remplacés par une nouvelle aventure censée donner au public un nouveau loukoum à ronger (...)

Les nuages s'amoncellent dans les cieux anatoliens et il n'est pas sûr que la toupie sultanesque ait, cette fois, assez de vitesse pour éjaculer une nouvelle intervention susceptible de détourner l'attention. Le Kremlin, bien que d'une indulgence parfois inexplicable vis-à-vis d'Erdogan, a en effet tracé les lignes rouges à ne pas franchir et celles-ci commencent à s'accumuler : les parties libyenne et caucasienne sont terminées, le match syrien est limité à la surface de réparation. Seul le Kurdistan irakien offre peut-être encore une échappatoire à l'aventurisme turc.

Après le Karabagh, où ses gains diplomatiques n'ont pas été à la hauteur de son investissement militaire, l'homme fort d'Ankara a tenté de monter une nouvelle opération (à croire qu'il ne peut désormais plus passer un mois sans faire la guerre quelque part).

Mais au lieu de suivre nos "conseils" et de se diriger vers l'Irak, il a voulu en remettre une couche dans le nord syrien. Il est vrai que, dans cette région, le résultat final...

s'est révélé à mille lieues du mirage initial...

Aussi a-t-il, à grands renforts de publicité, lancé ses proxies à l'assaut d'Aïn Issa pour en découdre avec les YPG kurdes. Bien mal lui en a pris. Les "rebelles" soutenus par l'armée turque ont dû faire marche arrière la queue entre les jambes après avoir rencontré une résistance plus vive que prévue et souffert des pertes significatives.

Cantonnées à quelques kilomètres du front, l'armée syrienne et la police militaire russe n'ont même pas eu à intervenir. Elles se frottent d'ailleurs les mains car, dans cette subtile partie à plusieurs joueurs, chaque menace/intervention turque pousse les Kurdes américanisés à être plus malléables sur le retour des loyalistes dans le Rojava. Le scénario est bien rodé depuis septembre 2019 et fait toujours perler quelques gouttes de sueur sur les fronts soucieux du Washingtonistan...

Comments

[jm]

Bonjour.
Il semblerait que 'Et merde' s'écrive en fait 'Eh merde'. La forme la plus courante de cette erreur étant 'Et bien' à la place de 'Eh bien', du moins je pense qu'ici on peut transposer 'bien' en 'merde' (ce qui pose quelques questions de philosophie morale et politique mais bon..) : http://www.academie-francaise.fr/et-bien-pour-eh-bien

[Rupont]

Bonjour jm
Il semblerait qu'il y ait deux utilisations possibles de ce juron:
1/ "hé merde" pour "hé bien merde alors" quand la personne est prise par surprise
2/ "et merde" pour "et puis merde" quand la personne se rend compte qu'elle a été bernée par exemple
Sur la photo Erdogan semble verser dans le deuxième cas de figure.
Géopolitiquement parlant bien sûr.
Cordialement.

[Alcibiade]

Visiblement Trump n'est pas sur la même ligne que Pompéo
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/donald-trump-minimise-la-cyberattaque-aux-etats-unis-et-le-role-suppose-de-la-russie-20201219

[Obermeyer]

Bonjour à tous ,
Un point de vue à écouter sur la Turquie et son sultan :
https://www.franceinter.fr/emissions/le-grand-face-a-face/le-grand-face-a-face-19-decembre-2020
Invité : J.F. Colosimo , théologien et historien .
Même si France inter n'est plus ce qu'elle était , on tombe parfois sur des débats intéressants .

[daniel]

Bonjour à tous et merci à OG

Avouons qu'avec un client pareil (le sultan) , les chroniqueurs ont la partie facile! Je plaisante, il faut le préciser.

Quand le sultan a envahi la région d'Afrin, son armée de l'air a fait des hécatombes des combattants femmes et hommes Kurdes et associés. En chiffres approximatifs: 850 morts parmi les combattants et peut-être 1500 morts parmi les civils.

Les Kurdes de Syrie ont montré, comme l'avaient fait auparavant les modérément modérés de Daech, qu'ils sont désarmés face aux avions de combat. Une fine équipe des forces nationales syriennes (une jeune pousse du parti Bath) d'environ 120 hommes avait été entièrement ou presque effacée par un raid de 2 F16 turcs à peine installée dans la région d'Afrin. Même les simples réflexes de protection par mis à couvert et camouflage semblent faire défaut dans la région. (Si on prend en considération les drones offensifs, les Arméniens sont à rajouter à ce tableau de l'impuissance face à un méchant objet volant. Mais la question est probablement plus compliquée par l'électronique.)

Au vu de ces performances, on peut se demander pourquoi le sultan n'emploie pas sa force aérienne pour soutenir ses supplétifs à l'assaut d'Aïn Issa. Volontairement ou non, le commandement turc semble les envoyer au casse-pipe sans retour.

Parapluie ou interdiction aérienne russe? la même chose coté US. Ou bien se débarrasser petit à petit de supplétifs encombrants?

[Zoor]

Bonsoir,

comme déjà dit auparavant, les Turcs sont "perdants" mais sont à l'offensive en territoire ennemi. Le jour où la Syrie sera perdante en étant à l'offensive en Turquie sera un grand jour pour ce pays :)

Pour la Turquie, le problème, c'est que personne ne voit un problème à ses avancées territoriales.

L'UE se fait régulièrement insulter et subit son chantage, sans réaction tangible.

Les US, comme le dit la grive, profiteraient indirectement d'une avancée turque tant que ça ne retourne pas les kurdes, ce qui est le cas jusqu'à maintenant.

Et les Russes, sans doute ne sont-ils pas suffisamment supérieurs à la Turquie pour lui tenir tête en Syrie.

La position des Russes en dit long, selon moi, sur la Turquie.
Soit le Kremlin est bête et trop doux avec la Turquie (peu probable selon moi).
Soit la Turquie est assez forte pour inquiéter la Russie. Que ce soit de manière directe ou indirecte.

Cordialement,
Zoor

[la grive]

Bonsoir à tous,

Daniel, vous devez avoir raison pour la position des forces turques sur la carte. Comme je voyais aussi des cartes les situant au sud de l'autoroute, j'ai pensé que celles-ci étaient plus proches de la réalité. Non par réflexe pessimiste, mais par simple constat que les autorités syriennes communiquent assez peu sur les pertes territoriales et autres violations dont le pays est victime.

> Madudu : "À mon avis c'est la principale raison de la présence états-unienne en Syrie depuis la reconquête sur Daesh : empêcher le déroulement normal des choses, gêner, pousser les différents acteurs à travailler contre leurs intérêts propres."

Je suis tout à fait d'accord. C'est d'ailleurs pour cette raison que je ne pense pas que les américains seraient très peinés de voir les turcs empiéter d'avantage sur le territoire SDF. L'essentiel est d'empêcher la Syrie de se reconstruire.

[Madudu]

Cher Grognard,

L'étrange absence de vision des kurdes est probablement liée à la présence états-unienne : tant que les kurdes demeurent les vassaux de l'empire, ils ne peuvent prendre aucune initiative ni mettre en oeuvre aucune stratégie propre.

À mon avis c'est la principale raison de la présence états-unienne en Syrie depuis la reconquête sur Daesh : empêcher le déroulement normal des choses, gêner, pousser les différents acteurs à travailler contre leurs intérêts propres.

Mais ça ne peut durer toujours, un moment ou un autre le reflux laissera la place nécessaire aux entreprises raisonnables et à la construction d'une géopolitique régionale de long terme.

[Grognard]

Bonjour daniel,

Hélas les pertes civile sont devenues une constante de tous les conflits.

Concernant les proxis turcs j'ajoute une hypothèse en dehors du coût qu'ils représentent. Peut-être que l'état-major turc a une estimation numérique de la force qu'ils représentent et qu'ils veulent contenir celle ci dans une enveloppe facile à contrôler.
L'histoire militaire n'est pas avare de batailles ou le plus faible a affronté ou s'est laissé piégé en terrain défavorable par une puissance de feu supérieure comme à Culloden.
Quant à la stratégie kurde s'il y en a une je ne la distingue pas et je ne pense pas qu'ils envisagent de répliquer à plus grande échelle la tactique d'Hannibal à Cannes.
Selon moi une de leur priorité devrait être de mettre la population civile à l'abri tant que faire se peut ; chose que Vercingétorix a trop tardé et n'a pas réussi à Alésia.
Mais tout cela n'est que vaines spéculations. Tant que l'on est pas sur le terrain il est difficile d'appréhender la réalité.

[daniel]

La grive, Madudu et Grognard,

Bonsoir à vous trois.
Vos remarques suggèrent questions et spéculations. Ce qui est d'ailleurs passionnant.

Deux remarques:
-Je crois que la carte proposée par OG est juste (évidemment!). On peut se référer au site syria.liveuamap.com, d'où elle provient. Les tenanciers sont lents à prendre en compte avance et recul, mais ils finissent par le faire. Il faut ajouter que la situation sur le terrain est stable. (quoique agitée: environ 400 civils kurdes tués sur le territoire syrien par les gardes frontières turcs cette année.) La zone violette tenue par les Turcs et supplétifs borde le nord de la M4, et la 'contrôle' éventuellement au moyen d'artillerie, mais n'empiète pas dessus. Dans le coin, des unités russes sont en vadrouille, juste pour rappeler que sa délimitation résulte d'un 'accord' russo-turc.

2- Le sultan emploie quasi-journellement son aviation et ses hélico. dans le nord du Kurdistan irakien. Le PKK y possède sa zone arrière. Il semble subir une guerre d'attrition assez féroce. Kandil, son bastion, serait pour l'instant intouché. Les civils écopent salement des éclats. Le sultan y a aussi une bonne vingtaine d'implantations (artillerie, blindés et infanterie), et ces implantations augmentent avec l'aide et la protection du gouvernement régional Kurde irakien.
En fait c'est une invasion larvée et furtive qui dure, comme dans la zone d'Idlib, les modérément modérés en moins. Les journalistes sont priés de regarder ailleurs.

En accord avec la Grive: à Aïn Issa, le sultan peut encore le faire. Ne pas sous-estimer sa capacité de sur-estimation de sa personne.

Bon Dimanche à tous.

[Grognard]

Tss tss

J'ai oublié de vous souhaiter le bonsoir.

[Grognard]

Daniel & la grive,

Compte tenu de sa position politique actuelle Erdogan a-t-il les moyens de s'offrir une opération qui tuerait autant de civils que celle que vous citez?
N'oubliez pas que si une troupe qui reste dans ses cantonnements coûte un bras dès qu'engagée au combat elle en coûte trois.
Concernant les drones un article précédent d'OG nous montre que s'ils portent les cocardes de l'armée turque ses composants le sont nullement. Hors il suffit qu'il manque un seul de ses composants pour stopper la chaine de production.
Dans un tel cas on réfléchi beaucoup avant de les employer sur un théâtre.
Le terrain de l'engagement est une chose, le moyen de s'en servir une seconde et la qualité du commandement une quatrième et une petite cinquième pour la route: le renseignement.
Quant à la jeune unité syrienne au combat une erreur se paye cash.
Même la baraka a ses limites.

[Madudu]

Chère Grive,

Si vraiment la Turquie arrivait à ses objectifs avec la facilité et le plein succès que vous supposez, Erdogan n'aurait pas besoin de le crier sur tous les toits et de partout provoquer ses voisins.

Un État qui avance dans ses projets et qui a une vision de long terme ne s'agite pas ainsi, ça ne peut servir ses ambitions.

Erdogan est dans la même situation que Macron ou Biden : le projet initial n'est plus réalisable, il n'y en a pas encore un autre qui puisse faire illusion et mobiliser, donc en attendant on fait du bruit et l'on occupe les esprits.

On ne sait jamais, au bout d'un moment quelque chose se présentera peut-être qui sauvera les meubles.

C'est ce qu'il faut faire lorsque la situation semble désespérée, plutôt que de sombrer. Ça n'a pas sauvé tous ceux qui s'y sont essayé, mais pour certains ça a fonctionné (pensez à la Syrie en 2015, par exemple, ou au Royaume de France pendant la guerre de cent ans).

Lorsque la Turquie sombrera, on pourra encore le lui reconnaître : elle aura essayé !

[la grive]

Bonjour Daniel,

Vous faites bien de rappeler ces faits. Au vu des campagnes à succès, et successives, des forces turques en Syrie, j'ai du mal à les imaginer, comme le suggère OG, la queue entre les jambes face aux SDF dont ils n'ont fait qu'une bouchée dans les montagnes d'Afrin.

Pour reprendre l'exemple des postes turcs enclavés dont on a eu l'occasion de parler il y a quelques billets avec Zoor et Madudu, les turques semblent démontrer ostensiblement qu'ils avancent là où ils veulent et gardent à tout moment l'initiative de s'arrêter là où bon leur semble. Quand ils se replient, c'est de leur propre chef et non pas une retraite imposée.

Ce que j'ai appris en suivant cette guerre, c'est qu'il ne faut jamais sous-estimer l'ambition et les moyens des turcs. Si ils se mettent à s'agiter de nouveau dans cette zone, ça pourrait bien signaler une nouvelle campagne.

Je pense que la carte du billet n'est pas tout à fait exacte et il me semble que l'autoroute M4 est bloquée par les turcs sur une bonne longueur. Et puisqu'il est question d'Ain Issa, peut-être que certains se souviennent des images de pillage des silos à grains suite à l'invasion turque de fin 2019. Le silo se situe sur la M4 10km à l'est d'Ain Issa.

[Alcibiade]

Bonjour, que pensez-vous des attaques répétées de Mike Pompeo ces derniers jours vis-à-vis de la Russie ? Chercherait-il à se recycler dans la nouvelle administration Biden, maintenant que tous les recours ont échoué pour Trump ?

[Eltrovar]

Tout d'abord, bonjour....

[Eltrovar]

Pliées ? à voir......

Des signaux faibles sortant du brouillard de guerre de l'Armée US, restée fidèle au POTUS en cours commencent à s'accumuler :

Depuis début novembre, 64% des satellites du NRO sont orientés sur le territoire des USA, c'est du jamais vu.
Plus de 11 000 agents du FBI sont actuellement sur le dossier des fraudes électorales, c'est le double du 11 septembre...
Est attendu également le rapport sur l’évaluation de la situation par le DNI, John Ratcliff, qui devait le remettre le 18, mais qui a demandé un report car le dossier est bien lourd. On sent d'ici quelques tractations en cours, et le poulailler démocrate qui doit commencer à suer sous les bras..

J'avoue que je ne sais pas quoi en penser. Mais je garde à l'esprit que le Donald, qui a écrit un bouquin sur l'Art du Deal, doit avoir encore quelques as dans ses manches....

[iMike]

Bonjour,

Maintenant que les élections sont "pliées", les rats quittent le navire...