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Américains giflés, Iraniens rodés, Saoudiens paniqués

Poutine peut se vanter d'avoir mis un bon coup de pied dans la ruche...

Alors que les Occidentaux pleurnichent parce que les avions russes bombardent Al Qaeda et que la mafia médiatique a repris son travail de propagande (point Godwin atteint par l'imMonde), une nouvelle risque de donner des palpitations aux spin doctors euro-atlantiques : l'Irak se dit ouvert à une intervention russe dans son espace aérien ! Quelle gifle pour les Américains... Un an après avoir refusé de condamner la Russie à l'ONU à propos de la Crimée, quelques mois après avoir accueilli avec excitation l'idée chinoise d'une organisation de sécurité en Asie sans les Etats-Unis, quelques jours après avoir mis sur pied un centre de renseignements en collaboration avec Moscou, Téhéran et Damas, l'Irak continue de prendre ses distances avec son "libérateur" US et de se rapprocher de l'axe du futur. Pour Washington, la pilule est amère, même si Lavrov a précisé que l'idée irakienne n'était pas d'actualité pour l'instant (il s'est cependant dit ouvert à toute discussion à ce propos).

Sur le terrain, les bombardements russes semblent préparer la voie à une opération terrestre conjointe armée syrienne-Iran-Hezbollah. Des centaines de soldats iraniens sont arrivés en Syrie il y a une dizaine de jours et ce n'est sans doute pas pour faire du tourisme. Ce qui se dessine est une opération en trois phases :

  1. Même s'ils frappent déjà l'EI, les Russes concentrent pour l'instant leurs bombardements sur les djihadistes sunnites dans les provinces (Idleb, Homs, Hama) les plus proches de la Syrie utile, préparant le terrain à une offensive terrestre d'envergure menée par l'armée syrienne, l'Iran et le Hezb.
  2. Pendant que ces derniers reprennent possession de ces territoires et alors que les Chinois sécurisent la côte, les bombardements russes se déplacent massivement vers l'est, vers l'Etat Islamique.
  3. Offensive générale contre l'EI.

Plan simple, visant à desserrer l'étau puis à reconquérir peu à peu la Syrie. Les détails ont dû en être discutés lors de la fameuse visite de Soleimani à Moscou il y a quelques mois. L'Iran était plutôt demandeur et l'on se demande bien ce que Moscou a obtenu en échange. On le saura peut-être dans quelques mois même si certaines hypothèses sont déjà envisageables : pas de gazoduc iranien à destination de l'Europe, aucun rapprochement avec les Etats-Unis après l'accord sur le nucléaire...

La phase 3. de la guerre, l'offensive générale, pourrait bien déterminer les rapports de force au Moyen-Orient pour les vingt ou trente ans à venir. L'annihilation de l'EI requiert en effet un mouvement en tenaille dont les acteurs, s'ils réussissent, se retrouveront maîtres de la situation.

Américains giflés, Iraniens rodés, Saoudiens paniqués

Si tout se passe comme prévu, les forces syro-russes (en rouge sur la carte) remettraient la main sur le territoire syrien perdu en parallèle à une poussée (en jaune) des forces kurdes en provenance du nord. A ce titre, l'évolution des relations russo-kurdes d'un côté, américano-kurdes de l'autre, seront intéressantes à observer. Les YPG kurdes qui résistent en Syrie à l'EI sont très proches du PKK. Les deux sont bombardés par la Turquie avec la totale complicité de l'OTAN. Moscou est au contraire plutôt proche du PKK et les YPG accueillent avec plaisir l'intervention russe. Ainsi, Poutine est en train petit à petit de se mettre dans la poche les Kurdes échaudés par le lâchage américain.

Quant à la partie irakienne du front, elle est déjà sous responsabilité iranienne qui soutient avec armes et/ou combattants l'armée, les milices chiites et les Peshmergas kurdes. Le gouvernement de Bagdad ne demande qu'à rejoindre l'axe Moscou-Téhéran-Damas, on l'a vu, tandis que la plus grande autorité religieuse chiite, le pourtant modéré Sistani, appelle à la guerre totale contre l'EI. Nous annoncions il y a plus d'un mois que Russes et Iraniens prenaient la main et n'allaient plus la lâcher, l'on commence à en voir les premiers effets...

A terme, l'arc chiite serait totalement reconstitué mais, cette fois, consolidé, presque inexpugnable. Les S300 russes sanctuariseront les territoires iranien et syrien, l'Iran entrera dans l'OCS et Pékin apportera sa caution sur tout cela. Sans compter une véritable alliance Damas-Bagdad-Téhéran, dont les liens sortiront renforcés de la commune épreuve contre l'EI.

Dans ce contexte, il n'est guère étonnant de voir la bande des usual suspects sunnites/pro-sunnites paniqués : les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, la France, le Qatar, la Grande-Bretagne, la Turquie et l'Allemagne demandent déjà l'arrêt des bombardements russes ! Blanche-Poutine et les sept nains...

Dans les faits, que peut faire la "bande des sept" ? Obama risque fort de se retrouver prisonnier de sa décision d'autoriser l'aviation US à intervenir pour protéger les rebelles dits "modérés" que Washington n'a pourtant pas réussi à trouver en quatre ans... Le pitre de service, le sénateur John McCain, que l'on retrouve toujours fourré dans les mauvais coups, a d'ors et déjà déclaré que les bombardements russes avaient touché des groupes soutenus par la CIA (aveu implicite que Washington soutient en sous-main Al Qaeda ?) On ne peut évidemment exclure une salade de politique intérieure en vue des élections américaines de l'année prochaine. Après tous ses fiascos, Obama a-t-il vraiment envie d'engager une nouvelle opération militaire pour contrer la Russie ? Tout nous dit que non mais il faut toujours se méfier des réactions parfois hystériques d'un empire déclinant...

Passons sur les trois vassaux européens, ils écoutent la voix de leur maître et sont sans importance. Le Qatar a depuis un certain temps perdu la main ; son gazoduc ne passera jamais par la Syrie.

La Turquie n'est pas vraiment en position de force. Le sultan Erdogan est isolé, incompris, tandis que les élections de novembre approchent, qui risquent de donner un nouveau succès au parti pro-kurde. Ajoutons que certaines divisions commencent à apparaître au sommet de l'Etat sur le dossier syrien. Le seul moyen de pression d'Ankara sur la Russie est le Turk Stream, nous avons évoqué cette question récemment. Précisons quand même que la Turquie a au moins autant besoin de ce pipeline que la Russie qui, elle, va doubler la capacité du Nord Stream.

Quant aux cheikhs grassouillets, ils sont pa-ni-qués. Le ministre saoudien des Affaires étrangères a menacé sans rire d'une intervention militaire en Syrie pour déloger Assad, réaction pavlovienne d'un royaume déboussolé qui voit ses beaux rêves s'effondrer. Le numéro de strip tease à Saint-Pétersbourg pour séduire Poutine n'aura servi à rien... Il faudra aussi expliquer au ministre que l'Arabie Saoudite a déjà fort à faire au Yémen contre quelques rebelles dépenaillés... Cette réaction digne d'une cour de récré n'a évidemment pas la prétention d'être prise au sérieux.

Tag(s) : #Moyen-Orient, #Russie, #Etats-Unis, #Gaz, #Chine

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