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Afghanistan 80-88 / Syrie 2015 : la comparaison s'arrête là

Le récent appel de 52 religieux saoudiens au djihad contre la Russie en Syrie a, dans l'esprit de certains, fait penser à la Guerre d'Afghanistan de 1980-1988 dans laquelle l'URSS s'était engluée et avait finalement disparu. Hop, on va refaire le coup trente ans après : argent et djihadistes saoudiens, armes américaines, vont mettre à bas la Russie du grand méchant Poutine et signer la victoire du wahhabisme de la liberté. Cette idée dépasse le cadre des seules officines de propagande, aussi convient-il de lui faire un sort. En effet, la comparaison entre l'intervention soviétique en Afghanistan et la campagne russe en Syrie s'arrête là.

  • En Afghanistan, l'URSS était seule face à la coalition américano-pakistano-saoudienne. En Syrie, la Russie est alliée sur le terrain à l'Iran, à l'Irak, au Hezbollah et à la Chine, et reçoit le soutien diplomatique de poids lourds comme l'Egypte (ce qui risque d'ailleurs par contrecoups de créer des bisbilles entre Le Caire et Riyad).
  • L'intervention de Moscou en Afghanistan visait à soutenir un régime communiste honni par la grande majorité de la population. N'en déplaise aux chancelleries occidentales, Assad est relativement populaire en Syrie et soutenu par au moins la moitié de la population (toutes les minorités bien sûr, mais aussi la bourgeoisie sunnite des villes, clientélisée durant des décennies par le clan Assad). Les mauvaises langues diront que la popularité du président syrien est bien plus élevée que celle de Hollande.
  • La Syrie n'a pas de Pakistan voisin, c'est-à-dire un sanctuaire qui déversait sur l'Afghanistan des dizaines de milliers de combattants pour aller faire le djihad contre les Russes. Si la Turquie a pu un temps caresser l'idée, la détérioration des relations entre Ankara et l'EI et la crainte d'héberger des djihadistes en ces temps très incertains tue dans l'oeuf cette possibilité. De plus, Poutine et Erdogan se tiennent par la barbichette sur le Turk Stream qui, malgré l'opposition totale des deux pays sur la Syrie, est loin d'être mort.
  • Les Etats-Unis ne savent plus sur quel pied danser. En 2015, un soutien franc et massif à Al Qaeda ou à l'EI ne passerait tout simplement pas. Ah qu'il était béni le printemps afghan où la CIA pouvait créer Al Qaeda en toute impunité...
  • L'Arabie Saoudite elle-même est un peu perdue. Elle commence à prendre conscience que les monstres fondamentalistes qu'elle créé se retournent invariablement contre elle. Engluée au Yémen contre les Houthis chiites (dont une délégation est d'ailleurs actuellement à Téhéran pour demander des armes), l'Arabie Saoudite voit son ex-bébé la poignarder dans le dos : un quadruple attentat suicide, revendiqué par l'EI, vient de frapper Aden, visant le QG de la coalition saoudo-émiratie. Bref, comme les cowboys, les grassouillets cheikhs ne savent plus trop où ils en sont et n'ont peut-être plus la motivation qu'ils avaient dans les années 80...

On le voit, comparer la guerre d'Afghanistan et celle de Syrie ne fait pas beaucoup de sens tant les situations sont différentes. Ajoutons également que, contrairement à ses erratiques adversaires et à ses propres dirigeants d'il y a trente ans, Moscou a les idées extrêmement claires dans le dossier syrien, ce dont se rendent compte à peu près tous les acteurs du Moyen-Orient.

Tag(s) : #Moyen-Orient, #Russie, #Etats-Unis, #Asie centrale, #Gaz, #Histoire

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